98                           HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
atelier dont il n'est parlé nulle part jusque-là, il faut nécessai­rement supposer que la fabrication y avait déjà pris un sérieux développement. Quant aux tapissiers d'Aubusson, il n'en est pas fait mention dans l'inventaire de la duchesse de Valentinois, ce qui laisse supposer que la ville de Felletin avait devancé sa rivale dans cette voie. Il semble résulter de certains indices, recueillis dans des textes d'une époque bien postérieure à l'an 1500, que les artisans de Felletin employèrent de tout temps le métier de basse lice, et exécutèrent exclusivement des tapisseries dites à la marche, du nom de la pédale servant à séparer les fils de chaîne. Mais on ne connaît jusqu'ici aucun spécimen certain de la fabrication mar-choise durant cette période primitive, antérieure au xvi0 siècle. Nous verrons plus loin que les tapisseries de Boussac, aujourd'hui conservées au musée de Cluny, ont été attribuées aux vieux ateliers du centre de la France, sans qu'on ait jamais produit un argu­ment décisif à l'appui de cette opinion.
On trouvera peut-être que c'est beaucoup insister sur des détails de médiocre importance; mais, comme des découvertes récentes ont révélé l'existence de nombreux ateliers en Italie pendant le cours du xve siècle, il importait défaire remarquer qu'avant d'aller chercher de l'ouvrage à l'étranger, les artisans du nord de la France avaient fondé dans leur pays des établissements assez nom­breux pour répondre à tous les besoins. D'ailleurs, ces ateliers de l'Italie se distinguent de ceux des provinces françaises par des dif­férences capitales. Ils se recrutent presque exclusivement parmi les artisans étrangers. De tout temps, les manufactures établies à grands frais à Florence, à Rome ou à Ferrare, ont compté fort peu d'ouvriers italiens, tandis que les ateliers du Nord n'ont jamais eu recours aux étrangers. Nous avons expliqué les raisons, qui faisaient de la haute lice, pour les peuples septentrionaux, une in­dustrie de première nécessité, tandis que les habitants des pays chauds ne l'ont jamais considérée que comme un article de luxe. C'est ainsi que la tapisserie s'est toujours trouvée en quelque sorte dépaysée dans les provinces italiennes.